Démocratie Locale
«Un choc pour la démocratie locale»
Diminution de la participation aux élections, augmentation des
candidats, disparition de mouvements politiques locaux et d’élus sans
parti.
Les fusions de communes ont aussi des effets sur la démocratie. Lien de l'article ici
Cependant, cet aspect est négligé dans les processus d’agrégation.
Les fusions de communes sont l’un des principaux changements dans le
panorama institutionnel suisse des dernières décennies.
La fusion la
plus spectaculaire qui a eu lieu jusqu’à présent est sans aucun doute
celle de Glaris.
Par la volonté de la Landsgemeinde, la traditionnelle
assemblée où le peuple se rassemble et vote à main levée, le nombre de
communes dans le canton est passé de 25 en 2011 à seulement 3
aujourd’hui.
Même si les fusions de communes n’ont pas été aussi
«brutales» dans le reste du pays, il n’en reste pas moins que ce
phénomène progresse et que certains cantons procèdent à une politique
très poussée dans ce domaine.
De manière générale, les objectifs visés
sont le renforcement de l’efficacité des infrastructures, la compression
des coûts et une plus grande professionnalisation des services.
Ce
sont donc des considérations administratives et financières qui
conduisent généralement deux ou plusieurs communes voisines à décider de
s'unir en une seule entité.
Et toute la réflexion du processus
d'agrégation tourne autour de ces éléments.
On ne se préoccupe en
revanche généralement pas des répercussions politico-démocratiques.
Or
c’est une erreur, car il y en a, ainsi que l’ont montré des études du
Centre pour la démocratie d'Aarau (ZDA).
Les plus petites sont les plus touchées
«La fusion de deux communes ou plus est un choc pour la démocratie locale», dit Daniel Kübler,
membre de la direction du ZDA et professeur à l’Université de Zurich.
Un choc qui est plus fort pour les petites communes qui s’incorporent à
une grande commune, ajoute le chercheur.
«Il y a dans les communes des réseaux politiques locaux. Ceux-ci
sont perturbés par la fusion. Ils doivent se réorganiser, parce qu’ils
se retrouvent dans une commune devenue soudain plus grande, où existent
aussi les réseaux politiques des autres anciennes communes et auxquels
ils ne sont pas reliés», explique Daniel Kübler.
Ces réseaux ont
diverses fonctions. Ils font en particulier circuler les informations et
mobilisent l’électorat, ajoute le spécialiste de la démocratie. Ces
réseaux se retrouvent déboussolés, probablement en raison de deux
conséquences des fusions de communes révélées par les recherches du ZDA.
Diminution de la participation
La première est une nette diminution du taux de participation aux
élections communales.
La seconde est la disparition d’élus issus de
mouvements locaux ou sans parti au profit de candidats de partis bien
établis.
«Le fait qu’il y a généralement dans la commune issue de
la fusion plus de représentants de la commune qui était la plus grande
avant la fusion est probablement dû à la déstabilisation des réseaux de
mobilisation», observe Daniel Kübler.
L’électorat de la commune la plus
petite est par ailleurs moins enclin à participer, car il s’identifie
moins à la nouvelle entité née de la fusion.
Plus de candidats
L’abaissement
de la participation représente indubitablement un effet négatif.
Un
autre phénomène constaté par les recherches du ZDA est en revanche
positif: après les fusions, le nombres de candidats par siège augmente.
«Cela signifie que l’électorat a plus de choix», relève l’expert.
Les
chercheurs ne savent en revanche pas si le fait que les mandats
politiques deviennent l’apanage de membres de partis installés au niveau
cantonal est un plus ou un moins pour la démocratie.
Il ne s’agit
certainement pas des seuls effets des fusions communales sur la
démocratie locale.
Il suffit de penser aux communes où l’assemblée
communale a été remplacée par un parlement local suite à la fusion, ou
vice-versa.
Examiner les risques pour les prévenir
Selon
le politologue, il est important que les conséquences possibles d’une
fusion sur la démocratie locale soient soigneusement examinées dès le
début de la réflexion sur le processus d’agrégation.
«Il faut être
conscient qu’il existe un risque de choc pour la démocratie locale. Or
cette prise de conscience est un premier pas vers la solution», estime
le politologue. Si la question est examinée de manière approfondie, on
peut en effet adopter des mesures «pour compenser et agir contre les
effets néfastes», selon lui.
Et le professeur de citer l’exemple
de la fusion entre la commune de Rohr et la ville d’Aarau. Lors de la
première élection au parlement de la nouvelle commune, on a maintenu les
deux anciennes circonscriptions électorales séparées.
Cela a permis de
garantir un nombre déterminé de sièges à ce qui est désormais devenu le
quartier de Rohr.
«Lors de l’élection suivante, il n’y avait plus
de circonscriptions séparées, mais de nouveaux liens avaient pu se créer
dans l’intervalle», explique Daniel Kübler.
En particulier des liens
entre les anciens élus indépendants de Rohr et Pro Aarau, une formation
d’indépendants qui existait déjà dans l’ancienne commune d’Aarau.
Un bon instrument
Le
politologue juge que des circonscriptions électorales séparées
représentent un bon instrument pour faciliter l’intégration des
habitants des anciennes communes plus petites et leur accès aux mandats
politiques.
Il précise toutefois que tous les cantons ne le permettent
pas.
Les partis de l'ancienne commune la plus grande ont également
un rôle important à jouer dans la facilitation et la stimulation de
cette intégration: ils ont en particulier la responsabilité d'exercer
leur influence dans leurs sections existantes dans les petites communes
ou de l'étendre en créant de nouvelles sections s'ils n'y étaient pas
déjà présents, note Daniel Kübler.
La démocratie n’est pas acquise
Ce
qui ressort des études du ZDA montre que «la démocratie, même au niveau
local, ne va pas de soi.
Pour la faire fonctionner, il faut
l’engagement de différents acteurs politiques, des citoyens, des élites;
il nous faut un certain volontarisme», souligne l’expert.
Dans
les fusions communales, il est donc fondamental de se préoccuper des
effets sur la démocratie locale.
S’il y a une prise de conscience de ce
qu’implique une fusion dans ce domaine et de la nécessité d’«agir pour
maintenir la qualité de la démocratie, je pense que cela peut être
bénéfique pour le fonctionnement de la démocratie en Suisse à tous les
niveaux», conclut Daniel Kübler.